Shoah, mémoire vive

Les élèves à Izieu

Bien que le projet Mémoire et étude de la Shoah porté par la Métropole grenobloise bénéficie cette année aux collégiens de Pont-de-Claix, l'équipe du collège Lucie Aubrac a décidé de reconduire avec ses propres forces cet ambitieux programme à destination de ses élèves de 3°. En effet, forts de l'expérience vécue l'année dernière, les enseignants ont ainsi décidé de prolonger ce programme d'étude et de permettre, entre autre, aux élèves de se rendre à Berlin sur les traces des Juifs ayant fui les persécutions pour trouver refuge en Isère. Retours sur un projet aux multiples facettes.

 

"Il faut montrer aux élèves le caractère universel de la Shoah, démonter avec eux les mécanismes qui ont permis sa mise en oeuvre et que l'on retrouve dans d'autres crimes de masse du XXème siècle et parfois dans les sociétés contemporaines. Autrement dit, il faut leur faire toucher du doigt que ce crime ne leur est pas étranger, qu'il a beaucoup à leur apprendre pour comprendre ce qu'il s'est joué ailleurs et ce qui se joue encore parfois aujourd'hui."

Christophe Tarricone, professeur d'histoire-géographie


Visite à la maison d'Izieu

Les 23 et 25 novembre dernier, l'ensemble des élèves de 3° du collège Lucie Aubrac s'est rendu en visite à la maison d'Izieu, haut lieu de la mémoire de la déportation en Rhône-Alpes et en France. Il s'agissait là, de la première intervention effectuée dans le cadre du projet Mémoire et étude de la Shoah. Dans un premier temps, les élèves se sont remémoré le contexte dans lequel s'inscrit la déportation des 44 enfants de la maison d'Izieu, aux côtés d'un guide conférencier du musée. La visite de cette maison fut sans nul doute le temps fort de cette sortie. Les élèves se sont imprégné de l'atmosphère très particulière de ce lieu, désormais vide mais toujours emprunt de leur présence silencieuse s'incarnant à travers les traces et les objets qu'ils y ont laissé. Un lieu où une centaine d'enfants juifs fuyant les persécutions ont retrouvé un semblant de joie et d'insouciance avant d'être rattrapés par la barbarie nazie et la collaboration. Pour entrer davantage encore en empathie avec ces enfants et essayer de leur redonner la place dans l'humanité que les nazis ont tenté de leur dénier, le musée proposait aux élèves de reconstituer à partir de bribes, à la manière d'un véritable historien, leur parcours à travers l'Europe. Des lettres qu'ils ont adressées à leurs parents, pour la plupart déjà déportés et mis à mort, en passant des photos de leurs jours heureux à Izieu ou des fiches administratives authentiques qui renseignaient le convoi dans lequel ils ont pris place, destination Auschwitz.


En classe, avec un historien

L'ensemble des élèves de troisièmes ont reçu pendant deux heures la visite de Christophe Tarricone, professeur d'histoire-géographie et historien spécialiste de la Shoah pour un cours sur un aspect assez méconnu et pourtant central du génocide des Juifs d'Europe : la Shoah par balles. Cet assassinat d'1,5 à 2 millions d'hommes, femmes et enfants s'est déroulé entre 1941 et 1943 sur le territoire de l'Union soviétique par des groupes de tueurs spécialisés nommés les Einsatzgruppen. Les élèves ont ainsi étudié, via des clichés d'époque, ces exécutions de masse en plein air, pour en comprendre, à la manière des historiens, les moindres rouages. Une manière également de saisir de manière presque intime, à partir des rares visuels, les ressorts de l'idéologie nazie et de la Solution finale.


Vers une nouvelle vie pour l'exposition ?

Le projet Etude et mémoire de la Shoah va ainsi être reconduit alors même que cet ambitieux programme porté par la Métropole de Grenoble a posé ses valises au collège de Pont-de-Claix. Il ne repose plus donc que sur la volonté et l'investissement de l'équipe du collège qui a recherché de nouvelles sources de financement pour pouvoir conduire (nous l'espérons) les élèves dans un voyage d'étude à Berlin. Cela ne veut pas dire que le formidable travail entrepris l'année dernière a été remisé définitivement dans un carton, pour ne jamais en ressortir. Au contraire. Des anciennes élèves, aujourd'hui au lycée, ont participé le mercredi 1er décembre dernier à une journée de travail à la Maison de l'Image, en compagnie de leurs anciennes enseignantes d'Histoire-Géographie et Arts plastiques et Hasni Beckeira, chargé de l'accompagnement des conseils citoyens à la Métro. Elles ont ainsi retravaillé la formidable exposition/restitution du projet 2020/2021 dans l'idée de lui donner une seconde vie, dans un lieu où elle pourra bénéficier au plus grand nombre. Elles ont ainsi retravaillé les visuels et les légendes de l'exposition, en attendant qu'elle trouve un nouveau point de chute.


Les élèves découvrent le métier d'historien aux archives départementales

Les élèves de 3°3 n'en ont peut être pas eu conscience sur le moment, mais ils ont participé le jeudi 6 janvier dernier lors de leur visite aux archives départementales de l'Isère à l'écriture d'une page de l'histoire de la déportation. En effet, en compagnie de l'historien Christophe Tarricone et du professeur relais aux archives Florent Pouvreau, les élèves du collège ont mené un travail de véritable historien à partir d'archives inédites qui leur ont permis de retracer le parcours de Juifs allemands qui ont trouvé refuge au plus fort de la Seconde guerre mondiale en Isère. Ainsi, grâce à ces documents émanant de l'administration française encore jamais exploités, ils ont réussis à remettre un nom, un visage parfois, à ces figures anonymes, victimes de la barbarie nazie et de la politique antisémite du régime de Vichy. Une façon concrète, parfois intime même, de mieux comprendre et faire sienne cette histoire, foulant parfois des lieux bien connus de la grande région grenobloise. Ce travail qui s'inscrit dans le projet Mémoire et étude de la Shoah a permis aux élèves de collecter du matériel pour le travail qu'ils mènent de concert avec leurs homologues en Allemagne du lycée de Kiel. Ainsi, ils concevront à la fois une restitution écrite et témoigneront en visioconférence à leurs correspondants de leurs découvertes et de leur expérience dans les archives de l'Isère. Ce travail de correspondance autour de cette histoire rendu commune grâce au travail historique permettra in fine de concevoir un objet artistique dont les contours sont encore à définir. Les élèves ont en effet encore un long, passionnant et instructif parcours de mémoire à emprunter sur les traces laissés par ces Juifs allemands exilés en Isère.


Signature d'une convention avec l'OFAJ

L'OFAJ (Office franco-allemand pour la jeunesse) a signé lundi 10 janvier dernier une convention avec le collège Lucie Aubrac pour un partenariat portant sur un financement sur deux ans, liant l'établissement scolaire villenevois avec le lycée de Kiel, en Allemagne du nord. Ce partenariat se traduit déjà par la correspondance entreprise entre les classes des deux établissements. Les élèves y concourent chacun à documenter les parcours des Juifs allemands exilés en France et en Isère, partagent leurs recherches, conçoivent la restitution finale de ce projet. Si tout va bien, ils feront bientôt connaissance, à Berlin, lors d'un voyage commun. Une démarche au long cours qui sera prolongée et étoffée l'année prochaine. Peut-être les lycéens allemands, viendront-ils alors en France ?