Quand les professionnels nous racontent comment la Covid est venue heurter les pratiques

Cité Educative Lyon 8e - Carrotage terrain
Quand les professionnels nous racontent comment la Covid est venue heurter les pratiques
CAROTTAGE* TERRAIN DANS LA CITÉ ÉDUCATIVE LYON 8E
CAROTTAGE* TERRAIN DANS LA CITÉ ÉDUCATIVE LYON 8E 
*  Le carottage est une technique d’exploration qui consiste à prélever des échantillons du terrain pour en identifier les qualités, les composants, les caractéristiques.

 

LE CONFINEMENT, UN CHOC VIOLENT DANS LE MONDE ÉDUCATIF ET SOCIAL

“Tous nos repères sont tombés à l'eau”. L’ensemble des acteurs de terrain rencontrés sont unanimes, le choc a été très fort. « Le confinement nous a obligé à quitter le terrain alors que c’est l’essence même de notre travail. ». “Ça a été une horreur car ça a été très difficile pour tout le monde, surtout dans le social. Le cœur de nos métiers, c'est d'être auprès des personnes physiquement, de créer du lien. Quand on enlève le contact physique, c'est très compliqué.” Face au confinement forcé, comment poursuivre son travail, aussi bien auprès des jeunes, des enfants mais aussi des familles ? Comment continuer à “faire équipe” quand les établissements ont tous été contraints de fermer leurs portes ? Comment travailler sans pouvoir se voir, physiquement ?

« Tous nos repères sont tombés à l’eau ». 

Inutile de le rappeler, les professionnels n’étaient pas prêts à une telle situation – pour autant qu’on puisse être prêt à ce type d’évènement exceptionnel. Toutefois, certains ont pu rebondir de manière plus réactive que d’autres. « On n’était pas prêt mais on a été très réactifs ». Inéluctablement, tous les professionnels ayant un équipement informatique adéquat ont pu se ré-organiser avec plus d’agilité et de rapidité. “On n'a pas été trop désavantagé car on avait déjà un équipement permettant du travail à distance (ordinateurs portables puis téléphones portables).” Bien que le travail à distance était assez peu inscrit dans les pratiques professionnelles, les équipes ont dû s’adapter “en accéléré” et “malgré eux”. “C’était un défi mais le travail a pu se faire, de manière assez soutenue par téléphone ou en visio”. Dans le milieu scolaire, la priorité a été donnée à définir les canaux de communication entre les personnels d’abord puis dans un second temps avec les élèves de manière à garder le lien pendant toute la période du confinement. “Nous avons eu à cœur de nous soucier immédiatement du bien-être des personnels pour leur permettre de se sentir investis dans l’accompagnement des élèves et dans leur fonction de professeur (...) Ce souci de clarifier, de simplifier, d’uniformiser les outils nous a beaucoup aidé pour la suite”. Bien entendu, pour d’autres professionnels, l’adaptation n’a pas pu avoir lieu de manière aussi rapide… principalement par manque d’équipements adaptés.  Enfin, côté jeunes et familles, la situation est également très contrastée entre des familles bien équipées, d’autres faiblement équipées et certaines pas du tout équipées, rendant, de facto, la mission de suivi et d’accompagnement, très compliquée, voire presque impossible dans un certain nombre de cas.

 

UN OBJECTIF PARTAGÉ: POURSUIVRE SON TRAVAIL ET, SURTOUT, S’ASSURER QUE PERSONNE NE SOIT ‘'ABANDONNÉ'’

L’ensemble des acteurs rencontrés ont tous mis en avant comme objectif prioritaire de “prendre soin” de ceux qui étaient à risques durant cette période, et en particulier, les jeunes les plus fragiles, les plus précaires, les plus à risques. “Notre mission principale était de maintenir le lien avec les jeunes, parce que nous savions que pour certains, nous serions leur seul interlocuteur de soutien”. Les professionnels se sont alors démenés pour garder le lien, prendre des nouvelles, s’assurer que tout allait bien, ou du moins, pas trop mal. “Tout public confondu, notre équipe a fait du phoning à raison de 150 appels par semaine”. Certains ont même essayer d’exploiter les outils utilisés par les jeunes eux-mêmes, “en utilisant Snapchat, Whatsapp, Facebook…”
 

« Notre mission principale était de maintenir le lien avec les jeunes »

Évidemment, tout cela était en parallèle des outils plus classiques et institutionnels comme ProNote ou laclasse.com pour les écoles. Le mot d’ordre était, pour tous les professionnels, de “garder le lien” autant que possible. Et “d’être là” pour les situations les plus critiques : “On a été attentif à des situations sensibles et on a continué à avoir certains accompagnements individuels là où il y en avait besoin, par exemple faire des médiations en bas d’immeubles, accompagner quelqu’un pour des soins ; “on a aussi eu des situations catastrophiques, des situations qui relèvent de la protection de l’enfance, des gamins qui paniquent, une gamine qui a fugué de chez elle, etc.”. En effet, dans la population dont les professionnels s’occupent, “il y a des jeunes en foyer, des jeunes à la rue”.

Enfin, même si garder le lien était l’objectif commun pour les professionnels, dans la pratique cela a pu se révéler, à de nombreuses reprises, extrêmement complexe à mettre en oeuvre notamment en raison de coordonnées partielles ou erronées : “on a perdu beaucoup de temps à récupérer toutes les coordonnées téléphoniques et mail de chaque famille.” Pour certaines familles, on n’avait pas les bonnes informations de contacts, pas les bons numéros de téléphones ou les bonnes adresses”,  “on a des familles qui ne sont pas équipées”, “d’autres qui sont quasiment injoignables ou ne décrochent pas notamment parce qu’on les appelle en numéro masqué ce qui ne nous permet pas d’être rappelé” (les professionnels étant rarement équipés de portables professionnels, ils utilisent leurs téléphones personnels en masquant leur numéro), “d’autres qui ne parlent pas français donc par téléphone c’est compliqué, quand on se voit en physique, ça va on n’arrive à se comprendre, mais à distance...”, etc. 

Et si certaines familles n’ont pu être jointes par téléphone, d’autres ont pu recevoir jusqu’à 4 appels par jour “du principal, de l’assistante scolaire, du prof principal,” ce qui témoigne de cette volonté partagée entre tous les membres d’une équipe éducative d’assurer un suivi rigoureux des élèves et de ne laisser personne sur le bord de la route. “Dans mes cours, nous avons fait des visios de vie de classe pour permettre aux élèves de partager leurs expériences et surtout de garder un certain degré de sociabilité de classe”. Ce souci de maintenir le lien coûte que coûte a parfois conduit certains professeurs à se rendre au plus près des personnes, du moins jusqu’à leur boîte aux lettres dans les halls d’immeuble, ce qui a révélé par la même occasion la réalité du vécu des familles : “Je les connais bien les familles mais là, j’ai pris une claque de voir où elles vivaient et dans quelles conditions elles vivaient. » 

 

DES INNOVATIONS ÉDUCATIVES ET SOCIALES BRICOLÉES

La période de confinement et par extension de déconfinement et re-confinement a généré de nombreuses innovations "bricolées''. À défaut d’avoir le choix, les acteurs, dans toutes leurs diversités, ont été contraints d’inventer de nouvelles manières de poursuivre leur travail. Les initiatives se sont multipliées à tous les niveaux et sous toutes les formes. Tout le monde semble être passé en mode “expérimentations rapides”. “On cherche à faire des choses petites et rapides à mettre en place : on se lance, on teste, et on améliore, on agrandit ou on abandonne et on développe autre chose…”. Il fallait chercher l’efficace, “pourvu que ça fonctionne”. “On a été dans une posture pragmatique”. Et pour cela, il a fallu compter sur la motivation des équipes, des collègues, la collaboration entre les professionnels. Et sans surprise, ce sont les collaborations de professionnels qui préexistaient avant la pandémie qui ont été les plus à même de réagir le plus rapidement : “avec les enseignants, on est habitué à travailler ensemble, donc ça a été facile de se coordonner”, “on a pu faire tout un tas d’actions avec d’autres associations et structures, principalement car on était habitué à travailler ensemble”. Les centres sociaux se sont révélés être également d’une aide précieuse sur la mise à disposition de moyens humains, voire sur la mobilisation de familles et/ou d’élèves.

 

« On cherche à faire des choses petites et rapides à mettre en place : on se lance, on teste, et on améliore, on agrandit ou on abandonne et on développe autre chose…»

Les familles ont été accompagnées par les écoles, collèges, centres sociaux, associations, qui ont su développer une véritable offre à tiroirs, avec des niveaux de réponse adaptés à chaque famille, en tenant compte de leur périmètre technologique et de leur capacité d’usage. C’est notamment le cas en milieu scolaire pour que les élèves puissent rendre compte à leurs professeurs des devoirs faits à la maison : via le padlet, en les transmettant par mail ou encore en venant les déposer dans les boîtes aux lettres physiques des établissements. 

Parfois des petites choses, mais démultipliées et sous-tendues par des efforts intenses des équipes et référents ont été mises en place. Parmi les actions menées : “on a fait remplir des questionnaires aux familles pour pouvoir évaluer leurs situations”, “on s’est transformé en postier pour distribuer les devoirs directement dans les boîtes aux lettres de nos 150 familles”, “on a distribué des tablettes à tous les élèves qui avaient besoin de matériel (car certains n’avaient que leur téléphone portable)”, “on a même prêté notre surplus de tablettes, via le rectorat, à d’autres établissements qui en avaient besoin”, “on a constuit une salle de profs virtuelle pour garder le lien entre nous”, “on a communiqué avec les familles et les élèves via Pronote”, “on a fait du phoning massif et ce phoning a renforcé les liens de confiance entre les professionnels et les jeunes”, “on a utilisé les réseaux sociaux”, on a testé la visio et le partage de jeux en ligne - ce qui a même permis de créer du lien avec des jeunes qui n’étaient pas connus, “on a fait du mailing groupé”, “on a mis en place une permanence téléphonique au sein de notre établissement pour faire le lien entre les enseignants et les familles”, “on a constitué des ‘box éducatives’ contenant du petit matériel pour faire des coloriages, des petites maquettes, du collage, des jeux, etc.”, on a distribué des ramettes de feuilles aux familles pour que les enfants puissent dessiner à la maison”; “on a imprimé les devoirs des élèves qui n’avaient pas d’imprimante”,  et en parallèle de tout cela “on a fait des cours linguistiques sur Whatsapp pour continuer à faire pratiquer notre public”, “on a eu des cours de yoga sur Zoom auto-lancées par nos animateurs”, “on a envoyé aux familles des ressources utiles sur le développement durable, acheter local, faire pousser, des émissions intéressantes à regarder, etc.”. 

Les actions menées sont multiples, et elles vont de grosses actions comme les “colonies apprenantes” à des actions plus petites, mais pas moins utiles. Elles sont à la fois éducatives et sociales mais pas que… “On a organisé toute une chaîne de fabrication de masques”, “on a participé à la distribution des ordinateurs de la ville de Lyon aux familles en ayant besoin (et vérifié qu'ils sachent s'en servir, etc.)”, “on a fait des permanences physiques en mairie pour distribuer des chèques alimentaires en lien avec le CCAS”, etc., autrement dit, toute une série de choses qui ne sont pas, en tant normal, dans les missions des professionnels. Pour les acteurs, il y a nécessité de tirer les leçons sur cette période inédite qui a vu émerger des postures et des pratiques très riches mais des manques aussi: “il faut qu’on arrive à profiter de ses énergies pour faire en sorte qu’elles ne soient pas gaspillées et qu’elle permettent de nous interroger ou de repenser nos manières de faire notamment en matière de numérique et de formation aux outils” et ce, aussi bien du côté des professionnels que des jeunes eux-mêmes.

 

ENTRAIDES ET COLLABORATIONS INTER-PROFESSIONNELLES ET INTER-STRUCTURES

Dans tous les secteurs, Éducation nationale, structures sociales et autres, les collaborations se sont multipliées. Que cela soit entre les professionnels eux-mêmes ou que cela soit entre structures. « Le travail partenarial a très bien fonctionné, même à distance ».  Par exemple, les professionnels se sont relayés pour assurer une continuité de lien auprès des familles : “quand les enseignants avaient perdu le lien, les assistantes sociales, la vie scolaire ou les éducateurs ont permis de raccrocher les familles à l’école car celles-ci avaient plus de facilité à se confier à eux plutôt qu’au professeur, qui est moins familier”. Les professionnels se sont également entraidés:  “certains collègues ont formé les autres, en particulier sur le numérique (agenda partagé, Teams, etc.).” Bien entendu, cela est possible car “on a une chouette équipe, qui va bien”. La bonne santé de travail d’une équipe apparaît fondamentale pour pouvoir réagir de manière soudée. Des listes de diffusion de pair-à-pair ont permis de partager les bonnes pratiques entre établissements et même de partager des équipements.

Au niveau des structures, des actions ont été coportées par différents acteurs : “On s’est coordonné avec ATD Quart monde, l’Association de parents d'élèves (Graines de Giono), etc.”. Les liens entre partenaires tissés préalablement à la crise ont pu être activés de manière rapide et efficace : “Grâce à nos contacts privilégiés avec l’AFEV, 30 enfants ont pu être accompagnés individuellement par des bénévoles au téléphone 1h par semaine (...) Ça a été du délire à organiser mais ça a très bien fonctionné”. Suite au déconfinement, les éducateurs de rue ont pu témoigner de leur ré-ancrage rapide sur le terrain notamment grâce aux actions communes menées avec les centres sociaux et les MJC durant l’été : “on a programmé ensemble des sorties, des activités, des mini-camps. À ce titre, l’initiative Hors les murs a cartonné, ça a été une réussite remarquable : tous les jours de 14h à 17h30, il y avait diverses animations proposées en bas de la résidence Albert Laurent : ateliers photo, boxe, échecs, qui ont réuni des gens de la résidence, du quartier, des enfants, des jeunes… On espère que ce dispositif va perdurer et qu’il va pouvoir faire école”.

Si la coopération inter-acteurs coule de sens, à l’inverse, elle n’est pas toujours ni naturelle ni facile, d’autant plus quand les acteurs ne se connaissent pas ou peu… Certaines collaborations sont mêmes plus surprenantes mais pas moins inspirantes : “pour distribuer nos ‘box/kits éducatifs’, on les a remis aux commerçants du quartier, aux pharmaciens, aux épiceries, et aux gardiens d'immeubles pour qu’ils puissent les remettre aux familles”... De quoi donner à réfléchir sur le tissu d’acteurs activables lorsqu’on s’écarte des sentiers battus... 

 

UNE RENTRÉE EN DEMI-TEINTE AVEC DE NOUVEAUX DÉFIS

Quand bien même tous les efforts menés pendant le confinement et durant la période estivale (avec l’école ouverte, les vacances apprenantes), la rentrée s’est tout de même révélée difficile pour les acteurs éducatifs. L’épisode a marqué les élèves et laissé quelques stigmates : “On a récupéré des élèves déprogrammés, distraits, avec de grandes difficultés pour se concentrer, voire s’intéresser aux matières proposées”. ”Certain.e.s n’ont pas parlé français pendant plus de cinq mois, il y a eu de vrais retards accumulés, ça va être dur !”. “Certains élèves, parmi nos meilleurs (les plus assidus et sérieux), nous on dit : 'on est tous à la ramasse, on n'a rien compris sur certains cours'…”, voilà qui n’est pas rassurant.

« On a récupéré des élèves déprogrammés, distraits, avec de grandes difficultés pour se concentrer. »

Et à l’inverse, “on a été stupéfait de voir que certains élèves habituellement un peu 'absents' (peu participants en classes normales), ont très bien fonctionné en classes virtuelles et en devoirs autonomes”.


 

5 pistes pour le futur de la Cité éducative Lyon 8e 

 

Si les entretiens ont mis à jour de multiples adaptations, ils ont aussi révélé pour partie la vision floue et abstraite que les acteurs ont de la Cité éducative : “J’ai l’impression que la Cité éducative, c’est une nouvelle couche du millefeuille.” “On a peur que ce soit une grande nébuleuse”, “Moi, j’y comprends rien à votre usine à gaz !”, “La Cité éducative, ce n’est pas concret, je ne suis pas capable de vous dire ce que c’est, j’ai donc beaucoup de mal à voir ce qu’on va pouvoir faire ou proposer". "La Cité éducative me semble être un échelon intéressant de réflexion, cependant nous n’avons aucun retour d’expérience”. Au-delà de pointer la nécessité de communiquer davantage sur le programme (“comment ça fonctionne ? “Pour quoi faire exactement ?” “Selon quels critères ?” Quels sont les premiers retours de terrain ?”, etc.), ces rencontres ont constitué l’occasion pour les acteurs d’exprimer des besoins et des attentes fortes, voire des projections quant à la prise en charge éducative des enfants, des jeunes et de leurs familles. Ces multiples témoignages récoltés nous semblent ainsi mettre en lumière des pistes prometteuses et souhaitables pour le futur dans la Cité éducative Lyon 8e. 

 

I. LA CITÉ ÉDUCATIVE COMME “SUPRA-COORDINATEUR” DES ACTEURS 

ET SI… la Cité éducative se posait comme l’opérateur sur lequel les acteurs se reposent pour se réunir et échanger sur un sujet, une action, etc. ? 

La Cité éducative, pour gagner sa légitimité et construire sa relation avec les publics, pourrait s’inviter dans le jeu en tant que meta-acteur neutre, en créant les conditions et les garanties nécessaires pour que les acteurs se mettent autour de la table y compris en dehors de contexte d’urgence particulier. En effet, cette posture de tiers de confiance de la mise en contact entre les acteurs, lui permettrait d’être tout à la fois garante en termes de confidentialité des données personnelles (des élèves et familles) mais dans le même temps garante de la bonne mise en relation et circulation de l’information entre les acteurs. Il semblerait utile, nécessaire et légitime, qu’une “centrale d’information, de répartition” prenne le relais sur les enjeux de la mise en relation, afin de délester la bande passante des activités de tous les acteurs. En somme, que la Cité éducative devienne un phare dans les moments stratégiques et plus largement un facilitateur, un metteur en scène et en lien de toutes les différentes actions éducatives menées sur le territoire afin de bâtir une coordination propice aux échanges, débats, et concertations car “il y a beaucoup d’acteurs sur le territoire, beaucoup d’offres éducatives et sociales différentes mais finalement assez désordonnées”. Bref, faire mieux collaborer pour mieux agir.

Quelques idées :

  • Activation de la cartographie de l’écosystème (et annuaire des professionnels)
  • Poste d’animateur / facilitateur Cité éducative
  • Cellule de veille (gestion de la coordination du quotidien, des “crises”...)

 

II. LA CITÉ ÉDUCATIVE COMME TERRAIN DE MONTÉE EN COMPÉTENCES COLLECTIVES

ET SI… la Cité éducative devenait une zone apprenante ?

Chaque acteur de l’écosystème est une ressource détentrice d’expertises diverses. La Cité éducative pourrait être un espace d’entraide en pair-à-pair, un réseau inter-professionnel apprenant où les uns et les autres partagent leurs savoirs, se forment mutuellement. La Cité éducative pourrait même offrir son propre programme de formations. Un tel dispositif permettrait la montée en compétences des acteurs, à travers des conférences et séminaires avec des thématiques et besoins co-définis par les acteurs eux-mêmes. Au-delà du fait d’apprendre, cela favoriserait également des alliances inter-acteurs… tout ceci dans l’objectif d’optimiser l’accompagnement et l’écoute en direction des professionnels et/ou familles/jeunes.

Le foisonnement des sujets et modules portés par les uns et les autres, et dont la Cité serait uniquement le véhicule, donnerait finalement l’opportunité à tous de prendre de la hauteur, de collaborer, et, à l’instar d’un observatoire, d’adresser sur un champ plus prospectif des thèmes/enjeux communs au territoire : harcèlement, déscolarisation, absentéisme, etc.

Quelques idées :

  • Création de contenus de formation ad-hoc
  • Formations-actions pair-à-pair
  • “Vis ma vie” entre professionnels (passer une journée dans un établissement ou une structure qu’on ne connaît pas)
  • Conférences et/ou ateliers avec des experts et praticiens 
  • Identification collective de thématiques de formations
  • Service d’aide à la formalisation des programmes - modules- référentiels

 

III. LA CITÉ ÉDUCATIVE, COMME LABORATOIRE ÉDUCATIF ET SOCIAL : ÉCHANGES D’EXPÉRIENCES, CO-CRÉATION ET EXPÉRIMENTATIONS

ET SI… La Cité éducative devenait le “terrain des possibles” ?

En graduant peu à peu ses compétences, et en gagnant la confiance et l’écoute des acteurs, la Cité éducative pourrait devenir un tiers-lieu d’échange et de transformation où les acteurs viendraient évoquer entre eux leurs projets, leurs succès, leurs échecs, recourir à des conseils, des ressources, des arbitrages rapides sur des irritants qui arrêtent une procédure en cours. En somme, mieux comprendre les enjeux et mécanismes institutionnels en faisant avec plutôt que seuls. En tâche de fond, graduellement, de tels moments pourraient permettre d’isoler des thématiques particulières, de débloquer des dossiers, d’opérer des priorités par tranche d’âge, par public, de remonter de l’information “brute” du terrain, de recueillir les avis, les attentes et ambitions en termes d’accompagnement voire de bâtir des outils de coordination robustes, comme une cartographie “sensible” et vivante des acteurs du territoire. La Cité éducative pourrait ainsi devenir le territoire privilégié pour penser et faire délibérément ensemble et différemment, encourager les expérimentations atypiques, tester de nouvelles choses à la manière d’un grand laboratoire éducatif et social. 

Quelques idées :

  • Dossiers, publications par thématiques ou tranches d’âge, publics spécifiques, recueil des initiatives, cartographie dynamique des acteurs du territoire (en ligne)
  • Centre d’échange et de discussions. Ex. : les tables rondes des acteurs éducatifs du 8e ?)
  • Atelier de créativité, laboratoire de co-création : identification de nouveaux sujets, de méthodes alternatives

 

IV. LA CITÉ ÉDUCATIVE COMME FABRIQUE À PROJETS

ET SI… La Cité éducative se posait en accompagnateur du montage de projets ?

Il ne fait aucun doute que les acteurs ont des idées, seulement les freins sont nombreux pour les mettre en œuvre, à commencer par l’écriture d’un avant-projet. “On est débordés de travail. On est parfois découragé par les formats de soumission des projets, il nous manque un accompagnement spécifique dans la définition et le montage du projet”. De même, les professionnels souscrivent au parti pris de la Cité éducative Lyon 8 d’impliquer toutes les parties prenantes de l’écosystème dans la construction des projets y compris les enfants, les jeunes et leurs familles. “C’est intéressant d’impliquer les jeunes et leurs familles. Mais concrètement on fait comment ?” Si la volonté est là, le format et la conduite de projet ne semblent pas aller de soi. La Cité éducative pourrait se positionner en support des forces vives locales, dans une logique proactive de soutien et d’aide à tous les projets, afin d’apporter un soutien méthodologique, humain, logistique, financier, pour accompagner les acteurs dans l’élaboration de leurs projets (de l’idée à l’avant-projet, de l’avant-projet au projet, du projet à l’expérimentation, etc.)

Quelques idées :

  • Boîte à outils, kit éducatifs, kit  “montage projet” au service des acteurs éducatifs pour faciliter la transformation des idées en projets, débloquer une situation, guider et former par la même occasion les acteurs aux méthodes participatives avec la volonté de les autonomiser sur ces formats. 
  • Mise à disposition d’outils logistiques et opérationnels : lieu de réunion, nécessaire informatique (vidéo projecteur, ordinateur, wifi…)
  • Permanence et diagnostic “projet Cité éducative” avec des personnes ressources (designer, conseiller, etc)

 

V. LA CITÉ ÉDUCATIVE COMME MÉDIA COLLABORATIF DE L’ÉDUCATION

ET SI…La plateforme de la Cité éducative se transformait en “chaîne” de l’éducation sur le 8e?

De nombreux acteurs documentent leurs travaux et publient sur les réseaux des mini-films, reportages, interviews réalisées au cours de leurs actions sur le terrain. Quoi de plus gratifiant que de leur proposer, dans un cadre réglementé par une charte de bonnes pratiques, de poster ces réalisations, afin de les rendre visionnables par tous, de donner un ancrage et du sens à leur travail du quotidien ? Réciproquement, la plateforme tirerait un grand bénéfice à héberger et actualiser une animation territoriale racontée par ceux qui la fabriquent au quotidien. Ces supports, qui sont souvent transmis dans un cadre évaluatif, en fin de convention et d’accompagnement, trouveraient un usage plus ancré, ainsi, l’outil et la production - plateforme & film  - gagneraient en légitimité.

En complément, la plateforme pourrait aussi publier des reportages réalisés plus largement, en postant des vidéos venues d’ailleurs mais présentant un air de famille avec les enjeux et thèmes du territoire Lyon 8e (vidéos réalisées sur d’autres arrondissements, d’autres lieux de l’agglomération, voire vidéos réalisées par d’autres Cités éducatives en France ou vidéos institutionnelles transmises par l’Éducation nationale et autres acteurs…). “Ils se passent beaucoup de choses intéressantes partout, parfois même juste dans la rue d’à côté, et on n’est même pas au courant, c’est dommage…”

Quelques idées :

  • “Chaîne Youtube” de l’actualité éducative, journal de l’éducation “la Gazette de l’éducation”, podcasts témoignages, etc.
  • Les différents acteurs de l’éducation, formelle, informelle, institutionnelle, associative, etc. produisent des articles, des vidéos, des tribunes, des reportages, etc. dans un média collaboratif

 

 


À PROPOS DE CET ARTICLE

Cet article a été rédigé en novembre 2020 par Christophe Gouache, Claire Lemarchand et Alexandre Pennaneac'h sur la base de 13 entretiens réalisés avec des professionnels du monde éducatif et social du 8e arrondissement de Lyon (école, collège, inspecteur de l’Éducation nationale, centres sociaux, assistants sociaux, protection de l’enfance, associations locales, mission locale, parents d’élève) menés entre le 5 et le 19 novembre 2020. Les citations ont été anonymisées.